SNOW CLOUD

  • Compagnie: tazcorp
  • Chorégraphe(s): Guillaume MARIE, Suet Wan Tsang et Roger Sala Reyner
SNOW CLOUD

Dans le contexte artistique contemporain occidental, la Consolation est perçue comme un geste performatif dépassé qui appartiendrait à la sensibilité sentimentale du théâtre bourgeois. L’émancipation critique (de Brecht à l’Internationale Situationniste et au-delà) et les stratégies progressistes et performatives d’aujourd’hui se définissent en opposition directe avec la logique de la Consolation. C’est à dire que l’art contemporain perçoit d’abord son rôle comme endroit de protestation et de séparation, d’« aliénation didactique » dans laquelle les conflits sociaux et les inégalités sont exposés et diagnostiqués plutôt que réconciliés temporairement. Ce qui était historiquement, sous la forme d’une réaction cathartique et émotionnelle, un élément essentiel de l’expérience artistique et théâtrale, est maintenant rétrogradé à un outil réactionnaire du populisme poli-tique. Notre projet vise à se ré-approprier le pouvoir affectif de la Consolation dans le domaine de l’art contemporain et du spectacle vivant. (CREATION 2022) développe les recherches initiées autour du solo ROGER (2019) sur la Consolation. ROGER s’inspirait de la figure de l’inconsolé. Ce duo se concentre sur celle de l’inconsolable, c’est-à-dire celui-celle-s qui ne peut plus porter un regard critique sur ce qu’il-elle-s a perdu et ne peut donc plus être réconforté-e-s. La charge subversive du chagrin, qui bouleverse et menace l’ordre établi, réside dans le fait qu’il provoque la réflexivité du sujet : « Pourquoi moi ? », « Pourquoi maintenant ? ». La perte est vécue comme injustifiable ; dès lors, c’est le monde qui apparaît injuste. En ce sens, il y a une dimension politique dans le désir de consolation. Il incite les sujets à devenir sociologues, à prendre du recul pour analyser les ordres sociaux établis, à ajuster leur regard sur le monde pour y rechercher les causes de leur souffrance et les outils pour s’en émanciper. Poétique, son action est toujours en même temps politique. Alors que dans ROGER le performer séchait ses larmes tout au long de la pièce, celles de (CREATION 2022)ont déjà disparues. Il n’en reste que la trace : les yeux sont secs mais les corps sont encore secoués et habités de sursauts, de hoquets, de souffles et de lamentations. Dans ce temps de « l’après », nous ne sommes pas encore face à des réconciliés et le spectre d’une crise ne cesse de réapparaitre. La trace de leurs larmes passées forme une matrice aux forces cathartique et politique. Les corps ne s’arrêteront plus de trembler jusqu’à la fin de la performance. Porté par la pensée écologique qui anime notre collectif, pourrions-nous dire que Roger et Suet Wan sont inconsolables d’avoir perdu un monde qui n’existe plus ?A-t-il seulement existé ? Sont-ils inconsolables car prisonniers d’un temps qui s’étire entre la Grande Accélération et la Grande Régression ? Pleurent-ils leur impuissance à sortir de l’Anthropocène pour entrer pleinement dans un Nouveau Régime Climatique ? L’espace symbolique et les techniques ouverts par ces pleureurs-es nous semblent être une analogie intéressante pour incarner ces questionnements qui nous animent et qui nous rongent

Conception, Chorégraphie, mise-en-scène : Guillaume Marie

Conception, Dramaturgie : Igor Dobricic

Créée en collaboration et interprétée par : Suet Wan Tsang and Roger Sala Reyner

Date de l'ouverture publique :